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Titre : Esprit d’hiver (vo : Mind of winter)
Auteure : Laura Kasischke
Date : 2013
Nombre de pages : 276

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  • L’intrigue

Holly se réveille avec une pensée bien précise en tête : Quelque chose les avait suivi depuis la Russie jusque chez eux.
Ce voyage en Russie date de plus de 10 ans. Cette année-là, ils avaient ramené la petite Tatiana, une enfant qu’ils avaient enfin réussi à adopter de Sibérie.

Alors que ce pressentiment se fait de plus en plus violent, elle se retrouve toute seule le matin de noël avec Tatiana, qui semble plus rebelle et irascible que d’habitude.

  • Ce que j’en ai pensé

Grâce aux matchs de la rentrée littéraire PriceMinister-Rakuten, il m’a été donné de lire ce roman assez attendu de la rentrée littéraire 2013!

Je n’avais encore jamais rien lu de cette auteure, ce fut donc une découverte pour moi d’un nouveau style.
Mon avis est le suivant : j’ai aimé, beaucoup d’ailleurs, mais il m’a mise très mal à l’aise.

Ce roman m’a fait penser à deux autres romans : Arlington Park de Rachel Cusk pour l’ambiance et Mrs Dalloway de Virginia Woolf pour la structure « toute l’action en un journée ».

Une précision tout d’abord : Pour apprécier un tel roman, il faut aimer les romans très lents, avec énormément de détails sur les pensées des personnages.
Parce que techniquement, ce roman, ce n’est que ça. C’est Holly qui, le matin de noël pense, s’inquiète, se souvient et cherche à comprendre pourquoi elle a un tel mauvais pressentiment.

Les lecteurs qui ne supportent pas un roman où il ne se passe finalement pas grand chose feraient mieux de passer leur chemin. Il n’y a quasiment aucune action.

Dans ce roman, on alterne entre le présent et le passé (les souvenirs de Holly concernant son envie d’enfant et l’enfance de Tatiana). J’ai bien aimé cette alternance, qui amenait petit à petit plus de détails, d’explication et donc de morceaux des puzzles.

Là où Laura Kasischke a un véritable talent, c’est dans le style. Il est -je trouve- excellent. Elle arrive, tranquillement, lentement, mais sûrement à faire monter une ambiance de dingue!
J’ai rarement éprouvé une telle fébrilité qui montait petit à petit (on avait presque l’impression de se retrouver dans un film d’horreur). Résultat, j’ai dévoré ce roman, incapable de m’arrêter! Je le lisais partout et tout le temps. Et plus j’avançais, plus je voulais connaitre la fin tout en la redoutant!

On commence d’abord par se dire qu’Holly exagère. On sait que les adolescents peuvent être particulièrement pénibles, qu’il ne faut pas rentrer dans leurs jeux. Mais plus on avance dans les pages, plus on sent un malaise profond s’installer et plus on se demande quel est le problème avec cette jeune fille. Pourquoi un tel comportement? Pourquoi de telles phrases, de tels actes? Où veut-elle en venir?

[Attention, je dévoile la fin] [Mais alors vraiment toute la fin, donc ne pas lire si vous voulez garder du suspense!]

Le fin mot de l’histoire est bluffant. On comprend soudain tout : la tension, l’inexplicable, nos soupçons (parce qu’on commençait à s’en douter quand même qu’il y avait un gros problème), les pistes…tout devient soudain clair comme l’eau.

Holly est allée voir sa fille après le départ de son époux pour l’aéroport, l’a trouvé morte et est devenue folle.
Folle au point d’arriver à tout nier, même à s’enfermer dans le déni, à bouger sa fille à travers tout l’appartement, en lui changeant plusieurs fois de vêtements et la faire continuer à vivre dans sa tête.

Mais ce déni ne date pas de ce matin-là, il est bien plus vieux que cela. C’est son déni à elle et à son mari qui a tué leur fille. C’est assez violent, mais c’est la vérité, même si Holly est bien plus coupable que son époux.

Inconsciemment, elle savait. Elle a tout repoussé au fond d’elle-même, mais elle savait que sa fille était malade. Elle savait que l’enfant qu’elle a ramené chez elle n’était pas l’enfant qu’ils avaient vu la première fois, mais sa grande sœur, retirée de l’adoption à cause d’une malformation cardiaque.

La petite fille qu’ils avaient d’abord vu a eu un accident et est devenue handicapée, difforme. Holly le savait, elle l’a vu. Mais devant cette scène de cauchemars, dans une pièce où elle n’avait pas le droit d’aller et devant son désir d’enfant, elle a choisi d’effacer de sa conscience cette scène, de se convaincre qu’elle n’était pas réelle, qu’elle n’avait pas compris ce qui s’était passée.

Et elle y est parvenue. Plutôt que de s’avouer qu’elle préférait un bébé en bonne santé et pas handicapée, elle a fermée son esprit.
Il n’y a que son inconscience qui veillait, en l’empêchant d’emmener Tatania chez les médecins, même pour les vaccins, pour une raison stupide: la pauvre enfant avait passé « suffisamment de temps » entre les mains des médecins avant son adoption.
Alors qu’une visite approfondie chez le médecin et elle aurait été démasquée : son enfant était malade, gravement malade.

Mais quelle mère digne de ce nom n’emmène pas sa fille chez le médecin quand elle remarque régulièrement que son enfant a les lèvres bleues? Comment l’époux n’a pas pu remarquer au fil des années un tel détail?

J’ai été énormément choquée quand j’ai compris qu’inconsciemment, elle préférait ne rien faire, espérer que cela ne soit pas réel et laisser sa fille mourir plutôt que d’admettre son abandon envers l’autre enfant. Si sa folie n’a explosée que ce matin de noël, elle avait déjà un gros problème psychologique pour avoir fait ça.

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Quelle longue critique! Ce fut une belle découverte, je suis ravie de l’avoir lu…mais je vais attendre pour lire d’autres romans de cette auteure. Mettre beaucoup de temps entre chaque roman! Par contre, je le conseille vraiment, c’est un roman bluffant!
Je lui mets la note de 15/20. Je remercie encore une fois PriceMinister pour l’organisation de ce match de la rentrée!

  • Extrait

Se sortir les gens et les événements de la tête était plus simple que ce que Holly aurait cru. Avant les quelques séances qu’elle avait eues avec Annette Sanders, Holly croyait que la pensée agissait selon sa propre volonté, d’une certaine manière, et ruminait de sa propre initiative. Mais Annette lui avait appris qu’il en était autrement.