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Titre : Il faut qu’on parle de Kévin
Autrice : Lionel Shriver
Date : 2008
Nombre de pages : 608

  • L’Intrigue

Alors que Kévin, son fils est incarcéré dans une prison pour mineur, Eva écrit de longues lettres à son époux, dont elle est séparée. Décidée à comprendre le pourquoi des actes de son fils, elle retrace toute leur vie amoureuse et de parents, afin d’essayer de démêler comment est-ce que la situation a pu évoluer ainsi.

  • Ce que j’en ai pensé

C’est certainement le livre le plus marquant de mon mois de juin. Cela faisait plusieurs années que j’entendais parler de ce roman, qu’il m’intriguait, mais je n’avais jamais sauté le pas. Et finalement, fin juin, j’ai décidé de le commencer sur liseuse.
Et ce fut une très bonne lecture.

J’ai eu un peu peur en allant voir sur internet qu’il faisait 600 pages, je le pensais bien plus court. Mais finalement, j’ai été tellement prise dans l’histoire que j’ai avalé ses 600 pages en deux jours. Je lisais vraiment dès que j’avais quelques secondes de libre. C’est plutôt bon signe!

Je suis ravie d’avoir enfin découverte cette autrice, surtout avec ce roman.
Je trouve d’ailleurs le titre très bien choisi (et en plus la traduction française correspond au titre anglais) : On rentre directement dans le sujet, l’autrice ne pouvait pas faire mieux, puisque Kevin et le fait de « devoir » parler de lui (de ce qu’il est, ce qu’il a fait, ce qu’il va devenir…) est le centre du livre.

Par contre, j’ai deviné un point assez important dès le premier tiers de ma lecture et c’est un peu dommage. Mais c’est certainement ma faute aussi, je réfléchis beaucoup trop à mes lectures en cours, plutôt que de me laisser porter.

Ce roman peut également mettre assez mal à l’aise. Les thèmes abordés et fouillés sont très loin d’être joyeux.
De plus, il n’y a aucun espoir ou très peu. Forcément, puisqu’Eva retourne en arrière pour essayer de comprendre ce qui c’est passé et pourquoi, le lecteur sait déjà comment cela va se terminer et sait que rien ne va pouvoir l’en empêcher.

Il y a deux thèmes très importants que Lionel Shriver remet en question : tout d’abord l’amour et l’instinct inconditionnel d’une mère.
C’est un gros tabou qu’on aborde là : partout, on parle de l’amour sans limite des mamans, dès qu’on leur pose le nouveau-né sur la poitrine, ce coup de foudre incroyable, cette patience infinie…Une maman, cela aime et se sacrifie pour sa progéniture. Point.
Or ici, Eva ne ressent rien. Pas le moindre amour. Bien au contraire, elle est mal à l’aise face à son enfant, incapable de l’aimer. Elle se méfie de lui, l’épie, essaye de le comprendre et de le contrôler. C’est une véritable bataille qui s’engage entre les deux et qui mettra tout à mal : son travail, son mariage, sa santé mentale. C’est vraiment très violent.

Le deuxième thème est la pureté et l’innocence des enfants.
Un enfant ne sait pas quand il fait mal, ou s’il le sait ne se rend pas compte des conséquences de ses gestes. C’est pour cela qu’on ne juge pas un enfant comme un adulte. Il n’est pas responsable. comme un adulte, puisqu’il n’a pas les capacités intellectuelles d’un adulte.

Dans ce roman, dès sa naissance, on sent Kevin calculateur, froid, mauvais. On sait qu’il va commettre des actions abominables, sans éprouver le moindre remord. Et seule Eva, reconnait Kevin pour ce qu’il est vraiment : une personne dangereuse.

J’ai aimé le fait que finalement seule Eva essaye de « connaitre » son fils. Le vrai Kevin, pas celui qui se cache derrière le masque, mais sa véritable personnalité, même si elle est mauvaise, voir même maléfique.

Et finalement, la question qui se pose tout au long du roman est la suivante : pourquoi? Pourquoi Kevin est-il ce qu’il est? Que s’est-il passé? A quoi cela est dû?
On a besoin de réponses, d’explications logiques, pour se rassurer, mettre des mots dessus.

Même plusieurs jours après l’avoir terminé, j’ai encore du mal à savoir exactement quoi penser du livre et surtout ce que son auteur pense de ce sujet finalement. Pourquoi Kevin est-il ce qu’il est? L’acquis? L’inné? Sa mère, son père? Ou juste pas de chance, il lui manque quelque chose? Psychopathe?

Cela reste très mélangé et très complexe. On passe d’un avis à un autre, sans forcément réussir à se fixer. Moi-même, plusieurs semaines après ma lecture, mon opinion continue à osciller.

Ce roman se présente donc sous la forme de roman épistolaire : il est constitué uniquement des lettres qu’Eva envoie à son époux.
C’est donc une narration en « je » et « tu », son point de vue de mère face au massacre de son fils.
Un point de vue donc forcément subjectif, même s’il en prend le contre-pied puisqu’Eva n’a jamais été dupe. Au contraire, elle décortique froidement chaque événement de leur vie pour essayer de comprendre et de faire comprendre à son époux ce qui s’est passé : pour résumer, elle cherche à se justifier.

Parce que soyons honnête, la première personne que tout le monde juge responsable si un enfant ne va pas bien / fait quelque chose, c’est bien la mère. C’est toujours d’abord la mère la responsable. Que ce soit un trop-plein d’amour, un manque d’amour, une éducation trop ou pas assez stricte, une psychologie trop ou pas assez, la société a d’abord tendance à accuser la mère de l’enfant, avant de chercher plus loin. Parce que c’est tellement plus facile ainsi et on a une coupable…

Donc Eva s’interroge, cherche à comprendre si oui ou non, c’est de sa faute, comme la plus part des gens l’en accuse. Ce sont vraiment des réflexions intéressantes que l’autrice nous propose et nous amène à nous interroger sur ce fait de société.

 

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Un roman qui va me rester un certain moment en tête et que je suis plus que ravie d’avoir lu. C’est également une autrice auquel je vais m’intéresser de plus près je pense, surtout que j’ai un autre de ses romans dans ma liseuse.
Je ne peux que vous conseiller de tenter le coup avec cette lecture, j’ai été fascinée et prise par les thèmes. Une lecture vraiment intéressante.

  • Extrait

Quand on est le parent, peu importe l’accident, peu importe qu’on se soit trouvé loin ou pas au moment où il s’est produit, même si de toute façon on n’aurait rien pu faire, on se sent responsable du malheur survenu à un enfant. Nos enfants n’ont que nous, et leur conviction qu’on va les protéger est contagieuse.