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Titre : Les vaches de Staline 
Auteur : Sofi Oksanen
Date : 2003
Nombre de pages : 512

  • L’intrigue

C’est l’histoire de trois générations de femmes en Estonie :

– Sofia en 1949 qui travaille et vit dans la peur qu’on attrape son époux qui se cache dans la forêt et qu’on les déportent en Sibérie

-Katariina, sa fille qui en 1971 tente de quitter l’Estonie avec son futur époux finlandais et qui se retrouve dans un pays étranger, sans plus de patrie et qui vit constamment dans la paranoïa, à l’idée de ne pas pouvoir retourner dans son pays ou de ne pas pouvoir en repartir…

-Anna la fille de Katariina, dans les années 1990, souffrant de gros troubles alimentaires, se sentant étrangère et seule, n’arrivant pas à se faire une place en Finlande, obligée de taire ses origines et rêvant de l’Estonie de son enfance…

  • Ce que j’en ai pensé

Quand j’ai vu ce livre à la bibliothèque, je me suis laissé tenter : En fait, c’est le premier roman de Sofi Okansen. Quand « Purge » (son troisième roman) a fait connaître l’auteur, celui-ci a été traduit en français après.

Quand j’ai compris la signification du titre, j’ai été ravie : « les vaches de Staline », c’est ainsi que les estoniens déportés en Sibérie appelaient les chèvres rachitiques qu’ils trouvaient là-bas.
Un pied de nez à la propagande soviétique qui déclarait que le régime avait des vaches exceptionnelles !
Qu’ils aient encore du courage et de l’humour, quand un matin, on leur a dit de prendre quelques bagages et de les suivre dans le nord, loin de chez eux, pour travailler dans des camps…c’est impressionnant. Une grande partie de ses personnes ne sont pas revenues. Et ceux qui ont eu la chance de survivre, en rentrant, ont trouvé les autres villageois et ceux qui  les avaient dénoncés, installés dans leurs anciennes maisons…

Ce livre est un bel hommage aux expatriés estoniens et à ce pays qui s’est toujours trouvé, entre deux autres pays, entre deux invasions…dont l’histoire est tellement compliquée et entrecoupée par celles des autres.  (Je suis allée à Tallinn avec ma famille et ma mère m’a rappelé que dans les boutiques, les icones et la vaisselle qu’ils vendaient étaient russes et tout ce qui avait trait à la navigation venait plutôt de Finlande…mais que trouver des objets estoniens était moins évident)

Le bémol de ce livre ce sont les scènes un peu glauques, où on nous décrit entièrement les « séances » boulimiques d’Anna, où elle achète en masse de la nourriture, où elle nous dit tout ce qu’elle avale et comment elle le vomit après…
C’était un peu difficile à lire pendant des pages et des pages durant…

Quand Sofi Okansen parle de nourriture, cela donne l’eau à la bouche! Le style est incroyable, plein de sensations, de descriptions de repas qui donnent envie!

J’ai préféré le personnage et l’histoire de Katariina.
Elle savait qu’en partant, elle partait pour toujours, qu’il n’y avait pas de retour possible pour elle dans son pays.

Elle est donc partie, elle n’est plus vraiment estonienne (au pays, tout le monde la jalouse, l’envie et refuse d’écouter que la vie n’est pas entièrement rose de l’autre côté de la frontière, qu’il y a du chômage, de la solitude et qu’elle n’a pas les moyens de faire de trop grands cadeaux à tout le monde…(elle fait déjà tellement de cadeaux et de pots de vin, qu’elle a à peine de l’argent pour elle–même…)) et en Finlande, elle est considérée comme « l’étrangère ». Pour les finlandais en 1970,  les estoniennes sont, ou bien des russes communistes, ou des prostituées qui essayent d’attraper un mari finlandais pour fuir le régime.

Ayant été élevée dans la peur de se faire déporter, elle continue de vivre dans la paranoïa…elle refuse tout contact, ne se lie avec personne, ne voit plus personne du pays, ne répond pas aux appels…
Il suffit de voir à quel point elle panique, quand elle perd sa voiture en Estonie, où tous ses papiers se trouvaient, persuadée qu’on va lui voler son identité et qu’elle est en danger (par rapport aux services secrets). Or Staline est mort depuis plusieurs années et l’URSS est entrain de mourir, cela fait plusieurs années qu’il n’y a plus rien à craindre… mais elle n’arrive pas à s’adapter à cette nouvelle situation.

Anna elle, est entre ces deux mondes :
Comme elle habite en Finlande, que sa mère lui défend de parler l’estonien et de ses origines et qu’elle idéalise l’Estonie où elle ne va qu’en vacances, elle en éprouve une grande nostalgie…surtout qu’il disparaît petit à petit, au fur et à mesure que l’empire soviétique se délite et que l’Estonie s’occidentalise…

Je trouve quand un jour elle commence à parler enfin et qu’elle avoue à chaque personne que sa mère est estonienne est un très beau passage…
Elle reste très sobre « ma mère est estonienne » et les réactions sont variées, allant de l’indifférence complète à la stupéfaction, en passant par des questions et des remarques stupides. Mais Anna respire, elle a osé en parler, elle a aux yeux des autres et aux siens un passé, une patrie, une histoire…

Autre chose qui m’a plu, c’est que le problème n’est pas résolu comme par miracle à la fin du roman. Elle reste malade, elle vomit toujours, ce n’est pas un grand happy-end mielleux.

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C’est un beau roman, sur une époque et une partie de l’Europe qui m’intéresse beaucoup, parce qu’on en entend jamais parler…
J’en ai assez d’entendre parler uniquement du côté français et allemand, quand on parle de la deuxième guerre mondiale…les autres pays du côté est, ont non seulement aussi vécu cette guerre, mais ils se sont retrouvés avec le communisme après ! Et c’est toute cette partie de l’Europe qui m’intéresse beaucoup!

En tout cas, je le conseille!

  • Extrait

Je voulais seulement rentrer chez moi. Rentrer chez soi, ce n’est pas partir à l’aventure. C’est retourner à la maison.