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Titre : La Part des Flammes
Auteure : Gaëlle Nohant
Date : 2015
Nombre de pages : 545

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  • L’Intrigue

Nous sommes en mai 1897. D’ici quelques jours, toute l’aristocratie de France va se rendre au Bazar de la Charité, une vente mondaine dont les gains sont destinés aux plus pauvres.
Mais c’est également devenu un point de rendez-vous incontournable pour les dames patronnesses et chacune veut occuper un stand.

Au grand étonnement de toutes, la duchesse d’Alençon a convié Violaine de Raezal, une jeune et belle veuve dont la réputation n’est pas blanche et la jeune Constance d’Estingel tout juste sorti de son couvent qui vient de rompre brutalement ses fiançailles sans donner de raisons.
C’est alors qu’une tragédie se produit lors du deuxième jour du Bazar…

 

  • Ce que j’en ai pensé

Et voilà, premier coup de cœur de l’année!

J’ai ce roman depuis seulement quelques semaines dans ma PAL, puisque je l’ai reçu aux moments des fêtes. Mais j’avais vraiment très envie de le découvrir, malgré une appréhension dont je vous parlerais plus tard.

C’est grâce à l’avis de la superbe book-tubeuse Lemon June que j’ai pris ce roman (et franchement, si vous ne la connaissez pas, je ne peux que vous conseiller d’aller jeter un œil à sa chaîne, c’est un véritable plaisir de l’écouter parler de romans).

Je ne m’attendais pas à passer un aussi bon moment : je l’ai dévoré en un dimanche, ne faisant que de lire dès que je pouvais, il fallait que je lise, le plus vite possible, pour avancer dans l’intrigue et connaitre la fin.

Ce fut donc une très belle lecture, intéressante, passionnante. Et j’ai été très déçue finalement de le terminer aussi vite. J’aurais du prendre mon temps, en profiter vraiment au lieu de le dévorer ainsi…

J’avais un gros a-priori pourtant.
Je n’aime pas trop les romans historiques. Cela ne m’a jamais beaucoup intéressée. Mais je pense avoir une vision biaisée de ce genre. Pour moi, le roman historique, c’est une sorte de romance dans une période donnée de l’histoire avec une écriture pas forcément géniale et qui se lit vite et voilà. Et si je n’aime pas cela, c’est surtout à cause de la belle romance qu’on a souvent dedans et que je trouve souvent plate. C’est dit, je n’aime pas les romances.
La couverture d’ailleurs ne m’avait pas incité à le lire. Cette dame, penchée en position de pleurs, cela ne me donnait pas très envie. Cela faisait très romance historique. 

Je commence pourtant à découvrir qu’il y a des romans historiques qui peuvent me plaire, avec un beau style, une histoire et des personnages solides. J’avais donc un gros préjugé sur ce genre et je suis contente de pouvoir changer d’avis.

Alors pourquoi un coup de cœur?
J’ai l’impression qu’il ne le mérite pas forcément. Moi qui n’ai pas mis de coup de cœur au magnifique roman Les Chutes de Joyce Carol (et pourtant, plus j’y pense, plus il le méritait, je pense qu’il va devenir un coup de cœur finalement…).

Quand je pense à ce roman, je pense automatiquement coup de cœur : l’écriture est soignée, les personnages ont une certaine profondeur, la période et le fait divers sont très intéressants. Et j’ai vraiment vraiment aimé cette lecture. Il mérite donc un coup de cœur.

Je ne connaissais pas ce fait divers, pourtant assez terrible : L’incendie du Bazar de la Charité en 1897 où des centaines de femmes ont péri brûlées vives.
Cela avait choqué parce que les victimes étaient l’aristocratie française dans toute sa splendeur et surtout…des femmes et des enfants.

Cela me fait rire de penser aux personnes qui de nos jours râlent à cause de certaines précautions et règles de sécurité jugés trop envahissantes et sévères…on ne se rend pas compte qu’elles existent pour certaines raisons. On ne s’en rend finalement compte que lorsqu’une tragédie se produit. 

J’ai beaucoup aimé l’écriture de Gaëlle Nohant. Vraiment, certaines scènes étaient criantes de réalisme. J’avais l’impression d’être au milieu des personnages, de me promener avec ces grandes et belles robes, d’être brimées comme les femmes à cette époque. Et que dire de la scène de l’incendie! Elle est vraiment très bien écrite. C’est bien simple, j’avais chaud en la lisant.

Il y a tellement de choses à dire sur ce roman que je ne sais pas trop où commencer et me concentrer sur quoi, histoire que cet article ne soit pas trop long…

Il y a énormément d’autres thèmes passionnants évoqués : la séparation de l’Eglise et de l’Etat, l’horreur des hôpitaux des pauvres, la terrible maladie qu’est la tuberculose et la nouvelle grande maladie des femmes : l’hystérie…

Et franchement, la situation des femmes à cette époque-là…c’était effrayant à lire.

On a beau rêver parfois de cette période, les magnifiques robes et parures, les bals et autres réceptions…mais vraiment personne n’aurait envie de vivre à cette époque. Personne! En tout cas, certainement pas moi.

Une femme était considérée comme une mineure à vie. Elle passait du pouvoir de son père à son mari, puis à son fils. Joyeux non?
Et si elle ne veut pas? Elle a du caractère, le revendique, envoie au diable tout le monde? Elle est alors hystérique et on peut l’interner de force pour son propre bien et la rendre folle pour de bon. Oui, c’est joyeux je vous le dis!

Et si –j’espère en tout cas – les médecins de cette époque étaient persuadés d’essayer de les soigner et de les guérir du mieux qu’ils pouvaient, ils ne faisaient finalement que les détruire et les rendre…dociles au rôle qu’on leur demandait de tenir. A savoir être belle dans la mesure du possible, gentille et faire de beaux enfants.

Finalement, une des seules manières pour une femme d’avoir une marge de liberté, était d’être veuve, sans enfants et de se tenir à peu près tranquille. Plus de mari, pas de fils et peut-être un père ou un frère qui la laisseraient en paix tant qu’elle n’allait pas au scandale.
Voilà voilà…

 

On se retrouve donc avec deux personnages, deux femmes qui sont à l’opposé l’une de l’autre.
Il y a Constance, jeune fille encore mineure, donc sous l’autorité de ses parents, qui, assez fragile, s’est faite convertir à l’exaltation religieuse dans le couvent où elle était. Elle n’est libre de rien, ne peut rien entreprendre seule. La seule chose que ses parents attendent avec impatience, c’est qu’elle se marie et qu’elle passe finalement sous l’autorité de son époux.
Pourtant, elle a beaucoup d’énergie et d’envies en elle, qui vont finir par exploser au grand jour.

De l’autre côté, on Violane, une jeune veuve, qui a eu la chance d’avoir un mari très aimant, intelligent et clairvoyant et qui a mis sa femme à l’abri des soucis financiers lui-même. Elle ne dépend de personne, peut faire ce qu’elle veut, mais elle est rejetée par la plus grande partie de la société à cause d’anciennes rumeurs sur sa conduite.

Ces deux femmes que peu de choses rassemblent, vont voir leurs destins se lier grâce à Sophie d’Alençon qui va les accueillir à son stand. Elles vont essayé tant bien que mal de survivre à cette terrible épreuve, aussi bien physiquement que psychologiquement.

J’ai nettement préféré Violane à Constance pour son histoire un peu plus intéressante et sa plus grande force de caractère (en même temps, Constance est trop jeune pour avoir fait grand chose…et se remettre d’une telle épreuve est vraiment difficile…)

J’ai beaucoup aimé aussi avoir une version romancée de Sophie d’Alençon. C’est un personnage historique assez intéressant et bien représentatif de la femme de cette époque : bridée et brisée par les hommes et la société afin qu’elle se conforme à son rôle.

J’aime également beaucoup le titre de ce roman. Il vient de l’expression « faire la part du feu« . Il s’agit en fait, lors d’un incendie de « laisser un certain espace » au feu, afin d’essayer de sauver le reste. On sacrifie donc une partie pour mieux secourir ce qui peut être sauvé. Je trouve donc ce titre très bien choisi.

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Un magnifique roman donc, avec un fait divers aussi impressionnant qu’épouvantable. J’ai adoré cette lecture, aussi bien pour l’écriture que pour l’histoire. Je pense le relire un jour.
Je ne peux que vous la conseiller très vivement!

  • Extrait

Violaine de Raezal se disait que s’il était un bonheur possible sur cette terre, on ne pouvait y accéder qu’en laissant mourir certaines choses en soi. Toutes ces choses lourdes et encombrantes qui étaient un grenier plein d’objets cassés et poussiéreux que l’on osait mettre au rebut, mais qui arrêtaient la lumière.